Le 18 février dernier, Carl Mihindou Mi-Zamba avait été interpellé par des agents de la Direction des recherches (DGR) dans le cadre de deux enquêtes. Entendu par la Justice, l’activiste met aujourd’hui en cause le fils de Jean Ping, Franck, dans le cadre de deux affaires. Pour appuyer ses déclarations, il produit plusieurs éléments matériels qui laissent peu de place au doute.
Non, Carl Mihindou Mi-Zamba ne veut pas jouer le rôle de lampiste et endosser une responsabilité qui n’est pas la sienne. C’est pourquoi il a décidé de parler aux enquêteurs et, pour asseoir sa crédibilité, de prouver ses dires aux moyens de nombreuses preuves matérielles.
Tout commence le 18 février dernier. Cet activiste, proche de Jean Ping, est interpellé par des agents de la Direction des recherches (DGR) et des services de la contre-ingérence et de la sécurité militaire (B2). Cette interpellation est l’aboutissement d’une enquête minutieuse, démarrée il y a plusieurs années, mais relancée quelques mois plus tôt.
Aussitôt, l’opposition crie à l’« enlèvement » (Barro-Chambrier) ou au « kidnapping » (Jean Ping) et affirme que l’activiste serait « torturé ». En réalité, Carl Mihindou Mi-Zamba est simplement entendu dans le cadre de deux enquêtes, l’une pour malversations financières, l’autre pour atteinte à la sûreté de l’Etat.
La première concerne la cession du gisement de fer de Bélinga à la société chinoise Sino-Hydro. En juillet 2016, son directeur général adjoint, Wang Ping, de nationalité chinoise, avait déclaré à la Justice gabonaise avoir ordonné d’importants transferts de fonds évaluées à plus de 5 milliards de francs CFA au bénéfice de Frank Ping, à travers des comptes domiciliés à Hong-Kong, à la suite de l’obtention, au début des années 2000, de marchés publics relatifs au contrat passé entre l’Etat gabonais et la société Sino-Hydro, pour l’électrification de Libreville et la réalisation du tronçon routier Koumameyong-Ovan dans l’Ogooué-Ivindo.
Pour appuyer ses déclarations, M. Wang Ping avait produit un certain nombre de pièces comptables et des ordres de virement qui ne laissaient planer aucun doute sur la « tentative d’extorsion de fonds » et le « trafic d’influence ».
La seconde affaire dans laquelle Carl Mihindou Mi-Zamba a fourni aux enquêteurs un certain nombre d’éléments est relative à la venue de Yéo Sihifowa, un Ivoirien, à l’approche de l’élection présidentielle d’août 2016. Celui-ci avait été arrêté le 31 août 2016 au QG de campagne de Jean Ping, puis inculpé quelques jours plus tard, le 13 septembre. Officiellement, il avait été commis, en tant qu’expert en informatique, au service du candidat Ping pour la compilation des résultats des élections présidentielles qui l’opposaient au président sortant, Ali Bongo Ondimba. Mais les enquêteurs soupçonnent celui, qui à l’époque jouissait d’une solide réputation de « hackeur », d’avoir voulu modifier les résultats électoraux au profit du candidat de l’opposition. Inculpé initialement pour des faits « d’atteinte à la sûreté de l’État », cette charge avait été par la suite requalifiée en « falsification, publication de faux résultats et trouble à l’ordre public ». En prison depuis 2016, il devrait prochainement être jugé, son dossier étant pratiquement mis en état par les magistrats instructeurs.
Preuves irréfragables de l’implication de Franck Ping.
Selon des sources proches de l’enquête, dans l’une comme l’autre affaire, Carl Mihindou Mi-Zamba a fourni aux enquêteurs des « preuves irréfragables » de l’implication de Franck Ping. C’est bien lui qui aurait mis en place un schéma financier ayant permis de soutirer à Sino-Hydro les 5 milliards de francs CFA sans, au final, aucune contrepartie. C’est lui encore qui aurait sollicité l’expertise de l’information ivoirien dans un autre but que celui officiellement avoué à l’époque. Des échanges de mails, de SMS et autres documents « compromettants et accablants » ont été fournis par Carl Mihindou Mi-Zamba aux enquêteurs.
Selon les enquêteurs, si l’activiste interpellé le 18 février dernier s’est mis à table, c’est que « les preuves à (leur) disposition sont confondantes » et que l’intéressé « ne souhaitait manifestement pas payer pour d’autres ». « Nier l’évidence ne servait plus à rien. Mieux valait pour lui de collaborer à l’enquête », souffle l’un d’entre eux.
Au passage, celui-ci balaye le reproche de « chasse aux sorcières politiques ». « Ça n’est pas parce que le dossier remonte à 2016 qu’il ne faut pas le mener à son terme. En toute rigueur, les faits ne sont pas prescrits. Donc la procédure suit normalement son cours et devra aboutir à un procès et à un jugement », assure l’enquêteur.
Un point de vue partagé par ce haut magistrat. « Ça n’est pas une question politique, de majorité ou d’opposition. Souvent, on brandit cet argument pour reléguer au second plan le dossier. Non, les seules questions qui vaillent en droit sont : est-ce qu’une infraction a été commise et y a-t-il des preuves pour l’étayer ? », martèle-t-il. En outre, fait observer le juge, cette affaire refait surface aujourd’hui, ça n’est pas par hasard. « Si on assiste à l’accélération du traitement de ce dossier qui remonte à 2016, c’est en vertu de la nouvelle politique pénale mise en place par la ministre de la Justice (Erlyne Antonela Ndembet-Damas, nommée en décembre dernier, NDLR) qui consiste à purger tous les contentieux restés trop longtemps encalminés comme les cas Landry Washington ou Bertrand Zibi », fait-il observer, rappelant que « la Justice doit se prononcer dans un délai raisonnable ».
Reste maintenant le plus difficile pour la Justice gabonaise. Entendre à son tour Franck Ping. Suite à l’audition du DGA de Sino-Hydro par la Justice gabonaise, Franck Ping avait précipitamment quitté le Gabon, sans plus jamais y revenir. A ce stade, face à l’accumulation de preuves à charge, les autorités gabonaises réfléchiraient à l’émission d’un mandat d’arrêt international contre Franck Ping. Aux dernières nouvelles, celui-ci, après avoir longtemps séjourné aux Etats-Unis, se trouveraient actuellement en Europe.
Source : Lalibreville
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