Après des années de silence empreint de dignité et de respect, Grégory Laccruche Alihanga, ancien maire d’Akanda, brise enfin le silence dans une lettre ouverte poignante. Il y dénonce avec force l’hypocrisie de ceux qui, après avoir été les architectes d’un système brutal et injuste, se posent aujourd’hui en victimes. Un témoignage glaçant sur l’arbitraire et la vengeance politique qui ont marqué une période sombre du Gabon.« J’ai gardé le silence pendant des années.
Par dignité, par respect pour ma famille et pour mon Pays. Mais aujourd’hui, je prends la parole car vient un moment où l’excès devient intolérable, » déclare Grégory Laccruche Alihanga. Il refuse de se taire face à ceux qui, après avoir « broyé tant de vies, cherchent à s’absoudre en travestissant leur passé. » Pour lui, « cette inversion des rôles est indécente ! » et il le martèle : « Moi, je n’ai rien oublié ! »
Les faits : un règlement de compte institutionnalisé
L’ancien maire revient sur son arrestation et son incarcération en novembre 2019, officiellement dans le cadre de l’“Opération Scorpion”, mais qu’il décrit comme une « vengeance politique » et une « purge ciblée. »Il révèle avoir été convoqué au domicile de Nourredin Bongo Valentin, fils de l’ancien président, en présence d’Abdul Océni. Là, une demande sidérante lui est faite : lancer de fausses accusations contre son frère, Brice Laccruche Alihanga, et le dénoncer pour trahison. Sa réponse fut catégorique : « jamais je ne trahirai mon sang. Jamais je ne me fourvoierai devant Dieu. »Trois jours plus tard, il était arrêté. S’ensuivent une garde à vue illégalement prolongée et une détention préventive de quatre ans, « sans procès, sans audience, sans défense, » au sein de l’annexe 1 de la prison centrale de Libreville. On lui assénait sans cesse : « Nono a dit si tu veux sortir, tu n’as qu’à charger ton frère. » Une voie choisie par d’autres, mais qu’il a toujours refusée, fidèle à ses valeurs.
Derrière les murs : l’État Bongo- Valentin face à moi
Grégory Laccruche Alihanga décrit les conditions de sa détention comme celles d’un « otage, » une « monnaie d’échange pour faire plier mon frère » et une « cible à abattre pour avoir eu l’affront de tenir tête au fils de la bête. »Enfermé dans une cellule de 6 m², sans lumière ni sortie, il a été isolé 24h/24, privé de soins et de contact avec ses proches et son avocat. Des « traitements inhumains » et « dégradants, » sans un seul juge, interrogatoire ou recours. Ses droits fondamentaux ont été « piétinés : droit à la défense, aux visites, à la santé. » Il ajoute, déchirant : « Pendant trois ans, je n’ai pas revu mon frère. Pendant quatre ans, je n’ai vu personne. »
Hypocrisie : les bourreaux pleurent aujourd’hui:
L’auteur de la lettre exprime son indignation face aux plaintes actuelles de ceux qui l’ont persécuté. « Ceux qui m’ont fait ça se plaignent aujourd’hui. Ils parlent de “traitement de chien”. Je leur réponds : vous nous avez traités pire que des cafards. »Il évoque les tortures psychologiques et physiques, les menaces sur ses proches et les tentatives de briser sa compagne. Des pratiques que ces mêmes personnes n’ont jamais dénoncées, mais qu’elles ont au contraire « couvertes » et « ordonnées. » Aujourd’hui, « ils hurlent à l’injustice.Ils invoquent l’ONU, la France, les droits de l’homme. Ces mêmes institutions qu’ils méprisaient hier. Ironie ? Non. Cynisme pur. »
La vérité reconnue… et étouffée:
Dès décembre 2020, l’ONU a reconnu Grégory Laccruche Alihanga comme prisonnier politique, exigeant sa libération immédiate. Une plainte pour séquestration a même été déposée en France. La réponse du régime d’alors ? Une seule phrase : « La justice gabonaise est souveraine. » Une manière d’étouffer la vérité, validée même par Ali Bongo selon l’auteur. Il dénonce : « Aujourd’hui, ces mêmes hommes viennent quémander la clémence de la justice internationale. Qui se moque de qui ? »Grégory Laccruche Alihanga insiste sur le fait qu’il ne cherche pas la vengeance, mais que « la vérité soit dite et entendue, que les rôles ne soient pas inversés. »
Il souhaite que la communauté nationale et internationale comprenne que « ceux qui crient aujourd’hui ont fait taire hier. »Il conclut en listant les agissements de ses oppresseurs : ils n’ont pas défendu la justice, mais l’ont étranglée ; ils n’ont pas défendu les droits de l’homme, mais les ont piétinés ; ils n’ont pas subi l’arbitraire, mais l’ont mis en place ; ils n’ont pas protégé la liberté, mais l’ont enchaînée ; ils n’ont pas réparé les injustices, mais les ont perpétuées ; ils n’honorent pas la vérité, mais la travestissent.
La Rédaction
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