Les gisements de fer de Simandou en Guinée Conakry et de Belinga au Gabon représentent deux des plus importants projets miniers d’Afrique, offrant des perspectives économiques considérables, mais soulevant également des questions cruciales sur les modèles d’exploitation et la maximisation des bénéfices nationaux. Le Gabon, avec son partenariat en coentreprise Ivindo Iron (détenue majoritairement par le groupe australien Fortescue Metals Group), se trouve particulièrement face au dilemme de la revisite de ses accords à la lumière des mégaprojets comparables.Le fer de Belinga est un important gisement de minerai de fer situé dans la province de l’Ogooué-Ivindo, au Gabon, avec des réserves estimées à plus de 1,5 milliard de tonnes.
Le projet, autrefois retardé, est maintenant en phase d’exploitation, avec l’entreprise Ivindo Iron (détention majoritaire par le groupe australien Fortescue) qui a expédié les premières tonnes de minerai de haute qualité en décembre 2023. Le projet vise à développer l’exploitation minière tout en favorisant le développement des infrastructures du pays et l’emploi local.
Un Potentiel Minier Contrasté:
Le gisement de Simandou en Guinée est souvent qualifié de plus grand gisement de fer non développé au monde, avec une teneur en fer exceptionnelle (plus de 65%) et des réserves estimées à plusieurs milliards de tonnes. Le projet est titanesque, nécessitant un investissement de plus de 15 milliards USD, incluant la construction d’un chemin de fer de plus de 600 km et d’un port en eau profonde. La Guinée a exigé que ces infrastructures soient multi-usagers (train et port), créant ainsi un levier de développement régional et de diversification économique majeur, baptisé « Simandou 2040 ». L’objectif est une production annuelle qui pourrait atteindre 69 millions de tonnes en phase maximale.Face à cela, le projet de Belinga au Gabon est plus modeste, mais significatif, avec des réserves estimées à plus d’un milliard de tonnes d’hématite à haute teneur. Le développement de Belinga, piloté par Ivindo Iron, est estimé à des investissements de l’ordre de 10 milliards USD et vise une production initiale d’environ 2 millions de tonnes par an. Bien qu’il promette des centaines d’emplois directs et une relance du secteur minier, l’accent est mis sur un développement progressif et responsable.
Le Dilemme Gabonais : Faut-il Revoir l’Accord avec Ivindo Iron ?
La différence fondamentale entre les deux projets réside dans l’échelle et surtout dans l’intégration des infrastructures au développement national. La Guinée a placé le projet Simandou au cœur d’une stratégie de transformation, insistant sur des infrastructures multi-usages et le potentiel de traitement domestique.Au Gabon, les discussions avec Ivindo Iron (Fortescue) ont récemment porté sur le respect du Code du travail et l’investissement logistique. Ces points de friction suggèrent que le Gabon pourrait ne pas avoir obtenu, dès le départ, un niveau d’engagement en matière d’infrastructures et de retombées locales aussi ambitieux que celui négocié par la Guinée.Le nouveau régime de transition gabonais, qui affiche une volonté de relance du secteur minier et de maximisation de la richesse nationale, a légitimement le droit de s’inspirer du modèle guinéen.
Revisiter les accords pourrait avoir plusieurs objectifs :Augmenter la Participation et la Rétribution de l’État : S’assurer que la redevance, la fiscalité et la participation de l’État dans Ivindo Iron reflètent la valeur réelle du minerai de Belinga.Exiger des Infrastructures à Multi-Usages : Insister pour que les infrastructures créées (route, rail) servent également les populations et le développement d’autres secteurs économiques de la province de l’Ogooué-Ivindo, allant au-delà du seul transport du minerai.Renforcer le Contenu Local : S’assurer qu’Ivindo Iron augmente les investissements en matière de formation, de sous-traitance locale et de transformation, même partielle, du minerai.Le projet Simandou place la barre très haut en termes de partenariat gagnant-gagnant et de planification stratégique intégrée.
Pour le Gabon, la menace de non-respect des engagements logistiques par Ivindo Iron et le précédent guinéen offrent une opportunité de renégociation. L’enjeu n’est pas d’annuler l’accord, mais de le rééquilibrer pour garantir que l’exploitation de Belinga devienne un véritable catalyseur de transformation nationale, et non une simple opération d’extraction minière. Le Gabon doit s’assurer que ses ressources naturelles contribuent durablement à la diversification de son économie post-pétrolière.


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