Le Gabon, à l’instar de nombreuses démocraties en construction, se débat avec une problématique récurrente et profondément corrosive : le basculement massif des électeurs. Ce phénomène, loin d’être anodin, interroge la sincérité du processus électoral et menace de saper la confiance des citoyens dans les institutions. Un changement de résidence motivé par des raisons socio-économiques est une chose, mais l’organisation à grande échelle de déplacements d’électeurs, orchestrée à des fins politiques, est une tout autre affaire.
Elle soulève de graves questions sur l’intégrité du scrutin et sur la représentativité réelle des élus.Historiquement, le Gabon a connu des élections où des mouvements de population semblaient étrangement coïncider avec des enjeux électoraux majeurs. Des citoyens sont déplacés en nombre vers des localités où leur vote pourrait faire pencher la balance, au détriment de leur lieu de résidence habituel. Cette pratique, souvent alimentée par des promesses de gains matériels, crée une distorsion de la volonté populaire. Le scrutin ne reflète plus les aspirations des populations locales, mais devient le miroir d’une ingénierie politique qui manipule les votes pour servir des intérêts particuliers. La légitimité des résultats est alors inévitablement mise en doute.
Cette instrumentalisation des électeurs engendre des conséquences désastreuses. Premièrement, elle fragilise le principe de la démocratie représentative, où chaque citoyen est censé choisir un représentant qui défend les intérêts de sa circonscription. Lorsque des électeurs « importés » décident du sort d’une élection, les élus se sentent moins redevables envers les résidents permanents, et le lien de confiance se rompt.Deuxièmement, cela entretient un cycle de clientélisme et de corruption. Les électeurs déplacés sont souvent perçus comme une monnaie d’échange, dont la voix est achetée au plus offrant. Cette dynamique gangrène les fondations de la moralité politique et renforce l’idée que le pouvoir est à la portée de celui qui a les moyens d’acheter les votes.Face à ce constat, il est légitime de se demander si le basculement massif des électeurs est une plaie incurable pour le Gabon.
La réponse n’est pas simple, mais des solutions existent pour assainir le processus. Une refonte du fichier électoral est indispensable. Un recensement plus précis, un système de vérification robuste et une meilleure cartographie des électeurs permettraient de limiter ces pratiques. De plus, un durcissement des sanctions pénales à l’encontre de ceux qui organisent ou participent à ces basculements, qu’ils soient politiques ou électeurs, pourrait être dissuasif.Finalement, la véritable guérison passera par une prise de conscience collective. Les citoyens doivent comprendre que leur vote n’est pas une marchandise, mais l’expression de leur pouvoir souverain. Les partis politiques, quant à eux, doivent accepter de jouer le jeu démocratique de manière loyale. Le basculement des électeurs n’est pas une fatalité, mais un symptôme d’un mal plus profond : un manque de respect pour la démocratie elle-même. La lutte contre ce phénomène est une bataille cruciale pour l’avenir politique du Gabon.
Herton-Sena OMOUNGOU,Rédacteur en chef


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