LIBREVILLE, Gabon –
Le secteur des transports publics urbains au Gabon est un miroir des défis économiques et de la gouvernance du pays. Tandis que l’État se débat pour relancer la Société gabonaise de transport (SOGATRA), Trans’Urb, son homologue privé, s’efforce de naviguer dans des eaux tumultueuses, illustrant deux approches, deux destins, et un contraste de plus en plus frappant.

SOGATRA : Un naufrage programmé ?
Il y a encore quelques années, les bus de la SOGATRA étaient omniprésents dans les rues de Libreville et des grandes villes du pays. Ils étaient le symbole d’un service public accessible, même si souvent saturé et vétuste. Aujourd’hui, ce symbole s’est transformé en un monument de la déliquescence.Le parc automobile de la SOGATRA est à l’agonie. La grande majorité des bus sont immobilisés dans les dépôts, victimes du manque de maintenance, de pièces détachées et de financements. Les usagers, qui autrefois pouvaient compter sur ces lignes, sont désormais livrés à eux-mêmes ou contraints de se rabattre sur des taxis-bus et des « clandos » aux tarifs souvent prohibitifs et aux conditions de sécurité précaires.La situation de la SOGATRA est le résultat d’une accumulation de maux : une gestion jugée opaque, des subventions de l’État qui se sont taries ou ont été mal utilisées, et un endettement massif. Malgré les promesses de relance et les injections de fonds sporadiques, l’entreprise semble incapable de se remettre à flot. La main-d’œuvre, non payée depuis des mois, multiplie les grèves, plongeant encore davantage l’entreprise dans la paralysie. L’idée d’un « plan de sauvetage » revient régulièrement dans les discussions gouvernementales, mais sur le terrain, la réalité est celle d’un naufrage en direct.
Trans’Urb : Une lutte pour la survie
De l’autre côté, Trans’Urb, une entreprise également étatique, tente tant bien que mal de se maintenir un niveau de service. Avec un parc de véhicules plus récent et une gestion réputée plus agile, elle a su capitaliser sur le vide laissé par la SOGATRA. Ses bus, reconnaissables à leur couleur, desservent des lignes cruciales et offrent une alternative aux usagers désabusés du service public.Cependant, la situation n’est pas rose pour Trans’Urb. L’entreprise fait face à d’énormes défis. Le coût du carburant, la dégradation des infrastructures, une gestion qui parfois est décriée, la concurrence informelle des taxis-bus, l’état du parc automobile, pèsent lourdement sur sa rentabilité. La fluctuation des prix et la difficulté d’obtenir des financements stables la placent dans une position de précarité permanente.Malgré ces obstacles, Trans’Urb s’efforce de conserver une tête hors de l’eau, signe d’une résilience et d’une volonté de s’adapter. Elle investit dans la formation de son personnel et tente d’optimiser ses itinéraires pour maximiser ses revenus. Cependant, sa capacité à couvrir l’ensemble des besoins de la population est limitée, et l’entreprise ne peut pas à elle seule combler le vide immense laissé par la déroute de la SOGATRA.

Le ministère des Transports face à ses responsabilités:
Ce contraste entre les deux entreprises met en lumière une question fondamentale pour l’État gabonais : quelle place pour le service public de transport ? La faillite de la SOGATRA n’est pas seulement celle d’une entreprise, c’est aussi celle d’une politique publique. Elle pose la question de la pertinence de maintenir sous perfusion une structure qui ne parvient plus à remplir sa mission.Pendant ce temps, Trans’Urb, en tant qu’acteur privé, démontre que le marché peut répondre à une partie de la demande, mais pas à la totalité, et pas forcément aux tarifs les plus abordables pour tous. La solution réside peut-être dans un partenariat public-privé solide et une régulation efficace qui permettrait aux deux acteurs de coexister et de se compléter, au bénéfice de l’ensemble de la population.En attendant, les Gabonais continuent de payer le prix fort de cette dualité. D’un côté, un service public en ruines, de l’autre, une alternative privée qui lutte pour survivre. Deux destins opposés, un même constat : le transport urbain au Gabon a désespérément besoin d’une réforme profonde et urgente.
La Rédaction


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