Nommé au sein du premier gouvernement de la cinquième République en qualité de Ministre de l’environnement, Mays Mouissi occupe un poste stratégique au moment où le Gabon tient plus que jamais à récolter les fruits de son engagement climatique. À cet effet, Focus Groupe Média a pu obtenir une interview exclusive avec le membre du gouvernement sur plusieurs sujets.
1. Quelle est votre réaction suite à votre nomination au sein du premier gouvernement de la Cinquième République ?
Cette nomination constitue pour moi un immense honneur et, en même temps, une responsabilité de haute portée. Elle reflète la confiance que m’a témoignée Son Excellence le Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA, en m’associant à ce moment charnière de l’histoire de notre pays. Cette confiance, je l’accueille avec humilité, mais aussi avec la ferme volonté de mettre mes compétences au service d’un projet de transformation écologique et institutionnelle du Gabon.Intégrer le gouvernement en tant que Ministre de l’Environnement, de l’Écologie et du Climat, c’est porter une ambition forte : faire du Gabon un modèle africain de transition écologique. Notre vision est claire : démontrer qu’il est possible de concilier développement industriel et préservation de la nature. Nous voulons inscrire le Gabon dans une trajectoire de croissance verte, où nos forêts, nos écosystèmes et notre biodiversité deviennent des leviers de création de richesses et de bien-être pour les générations présentes et futures.
2. Quelle feuille de route vous a été assignée par le Chef de l’État ?
Le Président de la République nous a confié une mission ambitieuse : faire de l’environnement un pilier de la transformation économique et sociale du pays. Tout d’abord il s’agit d’assurer à nos compatriotes un environnement sain pour leur santé, leur épanouissement, mais également pour garantir que les efforts de développement actuels n’obèrent pas le potentiel des générations futures.Ensuite, il ne s’agit plus uniquement de préserver, mais de valoriser. Valoriser nos ressources naturelles, structurer une économie verte nationale et renforcer notre souveraineté écologique.
Cette vision repose sur l’industrialisation durable, la promotion des énergies renouvelables, la gestion responsable des déchets et l’intégration de l’environnement dans toutes les politiques publiques.Pour y parvenir, nous allons déployer une série d’initiatives concrètes : la mise en place d’un cadre législatif renforcé pour le climat, la création de brigades de l’environnement dans chaque province pour renforcer le maillage territorial, le soutien à l’innovation verte dans le secteur privé et la mobilisation de financements internationaux via les fonds climat. L’objectif est de faire en sorte que chaque effort environnemental génère des impacts directs sur la qualité de vie des Gabonais.Enfin, nous continuerons d’assumer notre rôle de leader sur les questions environnementales à l’échelle continentale non seulement pour contribuer aux dynamiques globales mais également pour faire rayonner notre pays sur la scène internationale.
3. Quel constat avez-vous tiré de votre visite à la décharge de Mindoubé, et quelles solutions proposez-vous ?
La décharge de Mindoubé, exploitée depuis plus de 40 ans et occupant un site de 8 hectares, est aujourd’hui totalement saturée. Elle accueille chaque jour plus de 800 tonnes de déchets, représentant un risque environnemental et sanitaire majeur. Ce site incarne le retard historique accumulé dans la gestion urbaine des déchets à Libreville. Malgré les efforts consentis par l’État et l’opérateur Clean Africa, nous faisons face à une urgence écologique qui ne peut plus attendre.Face à cette situation, nous avons engagé un plan d’urgence. Il prévoit la fermeture progressive de Mindoubé et son remplacement temporaire par un Centre d’Enfouissement Technique (CET) à Nkoltang, conforme aux normes internationales.
En parallèle, nous accélérons la mise en œuvre du Centre de Traitement et de Valorisation des Déchets (CTVD), qui permettra le tri, le recyclage et la valorisation énergétique des déchets. Un accompagnement est également prévu pour le relogement des riverains et la réhabilitation écologique du site de Mindoubé, afin de restaurer les écosystèmes affectés.Tout ceci piloté et exécuté par une équipe transversale réunissant les différents départements impliqués sur le sujet tel que l’économie, l’intérieur et l’habitat.
4. Les nouvelles infrastructures permettront-elles de résoudre durablement la crise des déchets ?
Quel est le coût du projet ?Les infrastructures prévues, notamment le CET de Nkoltang et le CTVD, sont conçues pour transformer la gestion des déchets au Gabon. Elles permettront non seulement de traiter les déchets dans le respect de l’environnement, mais aussi d’intégrer des solutions de valorisation énergétique, favorisant l’émergence d’une véritable économie circulaire. Ces infrastructures sont des investissements structurants qui vont créer des emplois verts, stimuler une nouvelle filière industrielle et améliorer la santé publique.
Cependant, leur mise en œuvre reste confrontée à un déficit de financement estimé à 6 milliards de FCFA hors investissements annexes. Nous œuvrons activement à combler ce gap, notamment à travers la Loi de finances rectificative en cours d’élaboration, mais aussi via des discussions avec des partenaires privés. Par ailleurs, nous avons récemment réuni les ministères concernés – Environnement, Intérieur, Habitat – ainsi que le Gouvernorat de l’Estuaire pour la mise en place d’un comité de pilotage. Ce comité a pour mission d’assurer le suivi rigoureux du projet et de garantir une réponse institutionnelle coordonnée, pragmatique et efficace à cette problématique prioritaire.
5. Que représente le financement de 4,7 milliards de FCFA du FEM pour la transformation du Grand Libreville ?
Le financement de 4,7 milliards de FCFA obtenu auprès du Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), dans le cadre du programme GEF-8, est une avancée significative. Il s’agit d’un soutien concret à notre ambition de faire du Grand Libreville une capitale durable, résiliente et inclusive. Ce programme pilote repose sur trois piliers stratégiques : une planification urbaine écologiquement intégrée, la restauration des espaces naturels urbains, et la participation active des citoyens à la gouvernance environnementale.
Ce financement permettra de mettre en œuvre des projets concrets tels que la végétalisation des quartiers, la dépollution de zones sensibles, la gestion intégrée des eaux pluviales et l’installation d’équipements écologiques dans les communes du Grand Libreville. Mais plus encore, il nous permet de poser les fondations d’une nouvelle culture urbaine : une ville qui respecte ses équilibres naturels, anticipe les risques climatiques et valorise son potentiel environnemental comme levier de développement.C’est un projet pilote mais qui se veut catalyseur afin de construire un nouveau modèle urbain devant inspirer le développement des villes à travers notre pays.
6. Quels sont les enjeux de la participation du Gabon à la COP30 ?
La COP30, qui se tiendra à Belém au Brésil en novembre 2025, représente une échéance stratégique pour le Gabon. En tant que pays forestier à forte capacité de séquestration carbone, le Gabon y portera un message clair : les nations qui protègent les forêts pour le bien de l’humanité doivent être mieux reconnues, mieux soutenues et équitablement rémunérées. Le Gabon absorbe 100 millions de tonnes de CO2 nettes c’est dire que nous sommes déjà au-delà de l’objectif de neutralité carbone de l’accord de Paris. Ce rôle écologique fondamental doit être intégré dans les mécanismes internationaux de financement.
Nous irons à la COP30 avec des propositions concrètes : réforme des mécanismes de finance climat, accès direct aux ressources des fonds multilatéraux, meilleure valorisation des crédits carbone et inclusion des communautés locales dans les bénéfices générés. Nous voulons faire du Gabon une référence, non seulement pour ses engagements, mais pour sa capacité à transformer ses politiques environnementales en instruments de souveraineté, de croissance et de cohésion sociale.
Par Focus Groupe Média


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